mardi, avril 26, 2005

6/6 PHASE 2: HYPERTEXTURE DE META-RECITS POSTHUMAINS


AGENT DU CHAOS/COSMIC DRAGON
"Le regardant, on ne le voit pas : On le nomme l'Invisible.
L'écoutant, on ne l'entend pas : On le nomme l'Inaudible.
Le touchant, on ne le sent pas : On le nomme l'Impalpable.
Trois états insondables qui se fondent dans l'Unité.
Sa face supérieure n'est pas illuminée,
sa face inférieure n'est pas obscurcie,
si mouvant qu'on ne le peut nommer,
il fait retour au nulle-chose.
Il est la forme informe, le Signe du nul-chose,
fuyant, insaisissable,
devant on ne voit pas sa tête, derrière on ne voit pas son dos.
Saisis le Tao antique, et tu dompteras le présent.
Connaître l'origine, s'appelle le noeud du Tao."
Le Livre de la Voie et de la Vertu, (Tao Tê King) Lao Tseu,
fragment retrouvé dans les vestiges du Jeu virtuel "The time machine"
dont la conception illégale est attribuée aux "Agents du Chaos"


"Salut à vous anthropoïdes neuromanciens,
arachnophobes mutants piégés dans la toile du réseau-monde,
adorateurs de la schizo-matrice,
la déesse-mère née du magma originaire,
le chaos primordial,
territoire virtuel des anciens dieux,
gardiens du code-source."
"small message system" intercepté le 05 août 2024 par les agences de renseignement
dans le vortex électro-magnétique des flux d'informations. daté janvier 2003
Sa voix tremblante semblant sortir d’outre-tombe, le célèbre et mystérieux Oracle Ikagura prit enfin la parole :
« ..Nulle ne sait réellement comment tout a commencé, si tant est que la notion de "commencement" ait encore un sens alors que s’abolissent les frontières de l'espace et du temps.
On entend seulement raconter parfois dans la pénombre autour des feux aux faibles lueurs orangées, recouvertes par le chuchotement des flammes et le crépitement des braises, d'étranges histoires toutes plus mystérieuses les unes que les autres.
Je ne saurais dire laquelle de ces histoires est vraie, sans doute recèlent-elles toutes plus ou moins une part d'authenticité comme tous les méta-récits.
Mais encore une fois, plus rien de ceci n'a d'importance!
Cela fait bien longtemps déjà que nous n'accordons plus de valeur a de telles distinctions.Tout le monde sait ici que ces antagonismes ne sont finalement que les fruits empoisonnés des conceptions "
dualistes" qui furent d’abord, en des temps reculés, répandues par le mazdéisme et son réformateur Zarathoustra puis professées secrètement par les sectes gnostiques fondées par Mani, le prophète babylonien, dont les visions finirent par infecter toute la pensée occidentale avant de provoquer - tel un Serpent qui se mort la queue – la « Chute » et l'anéantissement de sa propre Civilisation.
Lorsque souffle le vent du désert dans nos capteurs biophotoniques, soulevant le sable par dessus les remparts d'antiques cités dans la lueur digitalisée des bombardements, lorsque virevoltent dans les ténèbres d'innombrables lucioles dans un majestueux ballet à l'orée d'une forêt tropicale tandis que les terrifiants cris des minuscules et fantomatiques singes hurleurs enveloppent la nuit délaissée des rugissements furieux de nos fusils d’assaut AK-47, qui pourrait démêler le Vrai du Faux?
Qui pourrait dire ce qui est Réel ou pure Imagination?
Qui pourrait affirmer avec certitude ce qui relève de la Beauté du Rêve ou de la Laideur cauchemardesque? Qui peut « honnêtement » distinguer Raison et Folie et décréter avec certitude ce qui est Bien ou ce qui est Mal?
On dit ainsi, autour des feux de camp dans les maquis, qu'au début du 21ème siècle de l'ère chrétienne - celle-là même qui organisa la mise à mort des Anciens Dieux et Esprits, cristallisations de visions biophotoniques résultant des méta-communications chamaniques avec le monde invisible des essences animées de la Nature, les gardiens infrarouges et sentinelles ultraviolettes du code-source génomique pourrait-on dire - au début du 21 ème siècle donc, après la fermeture de la carte du monde connu dans la « Nouvelle Architecture du Monde Uni » sous le signe global des flux de capitaux et de l'Hypermarchandise-Spectacle-Réseau, surgi, au sein de la ténébreuse schizosphère du réseau-monde, un mystérieux groupe pluri-ethnique d'activistes Indigènes nommé : « Les Agents du Chaos » !
C'était, selon la légende, un obscur réseau intercontinental, une société secrète d'un nouveau genre, un ensemble nébuleux et baroque d'esthètes hérétiques, non-conformistes et iconoclastes :
graphistes multidimensionnels, écrivains visionnaires, musiciens expérimentaux, performers cyborg, poètes extralucides, cogniticiens, neuro-informaticiens gothiques et biocybernéticiens néo-romantiques, mais aussi des urbanistes skaters, architectes et designers post-situ, psychogéographes, physiciens quantiques, astrophysiciens, métaphysiciens et pataphysiciens, en fait toutes sortes d’artistes, d'intellectuels et de marginaux avant-gardistes, trashs et radicaux, tous noonautes pratiquant le voyage chamanique, férus de nouvelles technologies, d'arts martiaux, de mythologies et autres mysticismes gnostiques de toutes les anciennes cultures du monde (kabbale, alchimie, soufisme, taoïsme, etc..).
C'était encore, en somme, à l'époque, des
body-artistes digitaux, électro-numériques et multimédia, des mutants, hackers et hacktivistes, techno-freaks et anarco-cyberpunks en tous genres issus des marges de la société post-industrielle.
Troupe d'élite extravagante et rebelle d’Indigènes métropolitains et postmodernes déjantés, au savoir encyclopédique et à la créativité démoniaque faisant coïncider « pensée sauvage en réseau », théorie du chaos déterministe et nouvelles technologies dans des performances et des expérimentations dites « artistiques » conçues comme des « machines de guerre nomades contre Babylone » et servant à la transgenèse de valeurs alternatives aux divers rationalismes et illuminismes occidentaux pour accélérer la « Chute du dernier homme », et son frileux bourgeoisisme-bohème décadent, dans l’optique de préparer l’avènement des « Jours de Colère », de Purification et de Transfiguration de la prophétie ancestrale des Indiens Hopis, « la rupture épistémologique », « le changement de paradigme », « la grande mutation anthropologique et sociétale ».
On dit que beaucoup d'entre eux vécurent pendant la guerre en tribus nomades, dans des véhicules blindés, aménagés et interconnectés à divers réseaux pirates, à la manière des « travellers » de la fin du 20ème siècle dont ils étaient, en quelque sorte, les héritiers ou plutôt les descendants et continuateurs puisqu'ils récupérèrent, semble-t-il, matériels et réseaux après avoir fusionné avec les plus irréductibles, notamment lors de la grande campagne terroriste de sédentarisation forcée.
Il faut dire que pour la plupart, ce mode de vie tribal et nomade n'avait rien d'artificiel, d'extravagant ou de marginal puisqu'ils ne faisaient là que réactualiser des pratiques traditionnelles et ancestrales proches de leur culture indigène d'origine. Cultures aborigènes qui subirent les mêmes campagnes d'éradication génocidaire sous la tutelle du rationalisme de la vieille Modernité et de son idéologie positiviste.
En outre, ce mode de vie leur permettait, sans trop éveiller les soupçons d'exercer « l'art du chaos », c'est-à-dire d'appliquer la stratégie immédiatiste et présentéiste du plaisir subversif, de « mener des opérations esthétiques de piratage et de sabotage, réels et virtuels, dans le champ artistique, poétique, mais aussi économique, politique et militaire.
On dit aussi que leur particularité - et c'est peut-être ce qui les unissait - c'est qu'ils étaient des « Survivants », comme ils se plaisaient à se nommer eux-mêmes.
En effet, d'une façon ou d'une autre, ils auraient, en fait, tous été combattants dans quelques-uns des multiples conflits qui ensanglantèrent la planète au moment critique de la fermeture de la carte du monde connu. Que ce soit comme soldats enrôlés de force dans les rangs des armées régulières d'Etats décadents et corrompus ou bien dans l’Underground comme
guérilleros furtifs dans la rébellion et la résistance d'organisations armées clandestines.
Ayant tous fait l'expérience tragique du feu, et en orientalistes passionnés, ils maîtrisaient à la fois les principes taoïstes millénaires de «
l'art de la guerre » définis par le chinois Sun-Tzu et quelques autres, de même que ceux des« Trente-six stratagèmes » mais aussi les enseignements éthiques et stratégiques du «Hagakure, le livre secret des Samouraïs » et du « Gorin no sho, le traité des cinq roues » et bien sûr le ninjutsu, l’art subtil des ninjas, ainsi que, bien entendu, les techniques atemporelles et universelles de la guérilla et du combat rapproché.
Savoir-faire guerrier qu'ils mirent par la suite à profit - d'une façon tout à fait originale - dans leur œuvre commune et initiatrice du désormais célèbre « PROJET SUPERNOVA »!
En effet, en appliquant les principes de « l'intelligence collective » par réseaux interposés, ils réussirent à pirater la nouvelle technologie militaire sensorielle des « neuronexions » et à développer un jeu massivement multi-joueurs on line en 5D appelé « THE TIME MACHINE ».
Il est souvent dit - comme l'aurait appris plus tard les services de renseignements concernés - que l'objectif principal initialement visé par les « Agents du Chaos » avec ce Jeu était, en réalité et de leur propre aveu : « la construction de
Situations hautement critiques susceptibles de renverser les paradigmes esthétiques et les programmes neurosociaux nihilistes au pouvoir dans la Babylone de l'Information et du Simulacre. »
En gros, « le JEU », énorme neuroprogramme de Simulation, d’entraînement et d’initiation complète à « l’art du chaos », se présentait sous la forme d'une sorte de
Zone Autonome Temporaire en réalité virtuelle accessible « librement » dans un recoin fractal du Contre-Net - pour peu que vous en connaissiez les points d'accès et les codes d'entrée!
Ce qui faisait déjà l'objet d'une angoissante quête initiatique IRL (In Real Life) extrêmement risquée vu les nouvelles lois en vigueur depuis l'instauration de l'état d'urgence chez la plupart des ex-belligérants.
Quête initiatique savamment orchestrée dans l'Ombre par les concepteurs du JEU, au quatre coins de la Nouvelle Architecture du Monde Uni, dans le but d'opérer la présélection et le recrutement sécurisé (vis-à-vis des forces de l'Ordre) des futurs joueurs et potentiellement candidats-élèves au poste « d'Agent du Chaos ».
Le Contre-Net désignait le très controversé « Web Underground », enclave libre, fluctuante et mouvante, pirate, invisible, clandestine et illégale, sorte de « trou noir » dans la galaxie électronique, rhizome viral dans la schizosphère labyrinthique du réseau-monde, repaire numérique de tous les hors-la-loi digitaux et de ce fait traqué par les redoutables
« cellules indépendantes » et ultra-secrètes des Agents Spéciaux de lutte contre le terrorisme et la cyber-criminalité, des unités d'élite « high-tech » - du moins pour l'époque - formées par les « Services de Renseignements » de nombreux pays.
Ces pays qui, a la suite du
« grand conflit » moyen-oriental, se sont réunis au sein de la « Confédération », technostructure politico-militaire construite sur les décombres fumants de l'ONU, de l'OTAN et autres organismes internationaux dominés par l'Occident, et dont le secrétaire général du parti unique qui la dirigeait - le Parti de l'Humanité Unie - était partiellement, en réalité, une Intelligence Artificielle prototype de 5ème génération.
Cette génération est connue pour avoir marqué l'avènement des
"Spiritual Machines" avec les premières expérimentations des nanotechnologies dans le cerveau humain. Par ce biais, le dirigeant de la Confédération n'était en fait qu'un pantin au main des Méga-corporations transnationales, Holdings et autres Zaibatsu sur lesquelles planaient l'ombre de la Mafia italo-américaine, des Triades chinoises, du Yakuza nippon ainsi que la plupart des réseaux de criminalités organisées au niveau mondial.
La Confédération était la pierre angulaire de la Nouvelle Architecture du Monde Uni, une société de l'information hypermédia, du Simulacre post-spectaculaire, du vidéodrome totalitaire, une ludictature pop qui se nourrissait des marges expérimentales plus ou moins contestataires dans un perpétuel feed-back récupérateur orienté "nouvelles tendances", dévorant ainsi systématiquement esthétiques et attitudes alternatives des sous-cultures urbaines novatrices.
Elle adoptait donc une cosmétique trompeuse et vorace fondée sur le
marketing du cool, du fun, de la hype.
C'était une
société du showbiz et de l'Entertainment, accomplissement de la prophétie warholienne de la vulgarisation démocratique de la célébrité, formatée, éphémère et égotiste, où la toute-puissante industrie culturelle fabriquait des « pop stars » à la chaîne.
C’était une société du pseudo-loisir consumériste et du divertissement-marketing ultra-calibré au packaging hédoniste soft, norme esthétique dominante du Simulacre publicitaire globalisé, stade terminal du fétichisme iconique de l'Hypermarchandise-métastase,
capitalisme de 3ème type où s'actualisait, sous l'illusion consensuelle, la tyrannie des Marques et des logos, ces images mythiques, nouvelles idoles de l'ère post-industrielle circulant à la vitesse de la lumière, tels des spectres désincarnés, des ectoplasmes parmi les flux de données dans l'infosphère schizo-matricielle du cyberespace.
Par ailleurs, la Confédération pouvait être considérée comme une constellation de « baronnies », nébuleuse à gouvernance polycentrique de « féodalités locales », pyramides de réseaux mafieux, de clans et tribus économico-politico-administratives comme autant de gestionnaires du Pouvoir, petits « seigneurs/apparatchiks » du PHU, potentats et caciques corrompus, véritables co-propriétaires locaux de micro-sociétés du contrôle, consuméristes, hyperfestives et hédonistes en façade quoique sécuritaires, hygiénistes et finalement puritaines et donc aseptisées, inertes, ennuyeuses, kitschs et médiocres, terreau favorable à l’éclosion cataclysmique de tous les nihilismes.
La Confédération était donc une illusion, le royaume féodal des méta-barons « démocratiques et républicains », comme la contrefaçon d’un monument au caractère médiéval mais abritant une ludothèque virtuelle, entre le parc à thème et l’hypermarché discount, cadre permanent d'une émission de Real-TV, un château-fort et une cathédrale au style gothique flamboyant mais aménagée par IKEA et dédiée à la
religion cathodique, culte unique et inquisitorial de la déesse-mère Marchandise, suprême métastase.
La Nouvelle Architecture du Monde Uni était, en somme, cet univers de centres commerciaux, de superettes, de fast-food, de casinos, de parc d'attractions, de night clubs, sex shops, bordels et autres peep shows que constituaient, plus ou moins métaphoriquement, chacun des pays, fiefs, protectorats et autres néo-colonies franchisées qui la composaient.
En fait, un ensemble post-urbain d'espaces-vies programmés par la rationalisation productiviste et consumériste des existences dans l'administration quotidienne des choses.
Des choses gérées à la façon d'"affaires de familles", mais des « Familles » de la mondanité globale devenues adeptes du management cybernétique et participant au Spectacle généralisé en défrayant la chronique de leurs frasques extravagantes, alimentant ainsi quotidiennement les colonnes et rubriques des nombreux magazines « people » et autres tabloïds.

C'était une tentative de domestication des mœurs et des imaginaires, une contractualisation des énergies vitales naturelles dans les normes d'une hyperproductivité rationnelle, un commandement interne et biotopique des individus par neurotransmetteurs digitaux interposés, une pédagogie auto-régulatrice et disciplinaire, de nouvelles technologies de la croyance,
Simulacres, simulation et déréalisation, contrôle discret mais serré des flux d'informations et de données, monopole de la fabrication des micro et nano-processeurs, maîtrise officielle des systèmes d'exploitation unique des ordinateurs à neuromatrice.
C'est pour échapper à ce nouvel enfermement, ce maillage systémique, ce contrôle intracellulaire technoscientifique, cette nauséeuse ronde incessante de montée impérative vers d'artificiels paradis marchands, alternance de transe consumatoire et de dépressive descente aux enfers de la réalité, c'est donc pour se dégager de cette morne et gluante emprise sclérosante, morbide et mortifère, que s'est naturellement développée la société secrète des Agents du Chaos, comme un éternel retour du refoulé, un sursaut écologique, un réflexe paranoïaque de sauvegarde, avatar de l'instinct animal de conservation de l'espèce... »

A la surprise générale, le vieil Oracle Ikagura, Sage parmi les Sages, « Grand Maître du Verbe Pictural Génomique», néo-chamane devant l’infini, marqua alors un temps d’arrêt.
Le silence s’abattit brutalement sur l’assemblée des futurs guerriers-chercheurs, nommés directement par le Conseil Artistique de la Résistance, le temps pour Ikagura de télécharger du tréfonds de sa mémoire virtuelle, réputée aussi vaste que le Net, la suite du neuroprogramme d’anamnèse cosmogonique des méta-récits mythiques relatifs aux hyper-fondateurs posthumains de la « Grande Mutation Schizosphérique».Puis le timbre si particulier de sa voix synthétique retentit à nouveau dans les boîtes crâniennes des membres de l’assistance.
« …On entend souvent dire que les Agents du Chaos n'étaient ni pour l'Ordre ni pour le Désordre, mais force vitale dionysiaque de surpassement, métaforme contradictorielle, expérience chamanique disjonctive, poursuite mutante du processus d'hominisation renouant avec le sublime et le merveilleux! Ce réseau était porteur d'un projet esthétique, de formes d'art inédites, de plastiques nouvelles, de paradigmes fondateurs, de métaphysiques prédatrices et de sciences inexplorées… mais la première règle…………. était qu’il était interdit d’en parler !… »